Ahhhh le fameux gout de fruits rouges! La période de Noël est généralement l’un des moments de l’année les plus propices aux plaisirs du palais et aux découvertes gustatives en tous genres.
C’est aussi le moment de l’année où les nombreuses résolutions alimentaires si durement tenues pendant 11 mois et demi, volent en éclat au profit de cochonneries et autres gourmandises toutes plus caloriques les unes que les autres.
Lors du Noël dernier encore, j’ai pas fait exception à la règle. Et c’est à l’occasion d’un de ces traditionnels repas de famille (le 18ème en 3 jours), entre 2 crises de foie et une part de Viennetta à la vanille, que j’ai sorti une bonne bouteille de Bordeaux « Saint Julien » achetée spécialement pour l’occasion. Un excellent millésime dixit le vendeur, coutant tout de même l’équivalent de la peau de mes fesses.
Le célèbre gout de fruits rouges!
Après lui avoir allègrement vanté l’exposition idéale du vignoble et la subtilité incomparable de ses arômes délicats, je propose à ma cousine un verre de ce prestigieux breuvage. Bien que n’ayant jamais touché à une seule goutte d’alcool (ndlr : si ce n’est une gorgée de Perrier menthe il y a de ça 7 ans), elle accepte sans sourciller, surement convaincue par mon argumentation pro-vinassienne de VRP invalide et aviné.
Je me sers donc juste après elle afin que nous puissions passer comme il se doit au moment tant attendu de la dégustation.
Je précise que ni moi et encore moins elle, ne sommes de fins connaisseurs de la dive bouteille. C’est tout juste si je suis au courant de la localisation de Bordeaux sur la carte de France (ndlr : entre Strasbourg et Sisteron).
Non sans avoir au préalable fait tournoyer comme il se doit le précieux nectar dans son scintillant ballon, ma cousine porte le verre à ses lèvres avec le raffinement, la finesse et la grace d’un chef Gaulois de retour de la chasse ingurgitant une pinte de cervoise chez le tavernier du Village.
Elle avale une fine gorgée et se retourne instantanément vers moi, l’air grave et le ton solennel :
« Il a un gout de fruits rouges. »
(Moment de silence pesant) Impressionné et un peu surpris aussi, je tente malgré tout de faire bonne figure :
« Arrête tes conneries? »
Pas possible, un truc incroyable vient de se passer juste là, sous mes yeux : ma cousine germaine (ndlr : c’est pas son prénom, faut pas abuser) qui s’y connaît pourtant autant en oenologie que moi en Mascara Waterproof Gemey Maybelline vient de reconnaitre très distinctement le fameux et non moins célèbre « gout de fruits rouges » (si cher à nos experts en gastronomie) à mon Saint Julien cuvée 2007 à 45 euros la bouteille.
Gros moment d’émotion.
Ya pas de raison : Je tente moi aussi de retrouver la saveur en buvant rageusement une 2ème gorgée. J’avais pas fait tourner le vin avant de l’engloutir la 1ère fois, c’est sans doute pour ça que j’avais pas eu le goût.
…
Rien à faire.
J’ai beau agiter le vin dans tous les sens, faire du bruit en aspirant de l’air en même temps que j’avale (ndlr : un peu comme si je faisais un bain de bouche à l’Hextril) et regarder le verre avec concentration : le gout de fruits rouges semble ne pas se déclencher auprès de mes papilles gustatives pourtant en alertes. Rageant.
D’autant plus que ma cousine vient à l’instant de percevoir une nouvelle saveur inédite alors qu’elle ingurgite sa 3ème gorgée :
« Il a même un arrière-goût de mures. »
On dirait qu’elle bouffe une salade de fruits. C’en est trop. Son arrogance et sa volonté manifeste de me ridiculiser en agitant sous mon nez le cruel parfum d’échec d’une carrière d’oenologue que j’espérais pourtant prometteuse finissent par avoir raison de ma légendaire bonne humeur.
Il faut que je réagisse :
– C’est pas toi qui es mure plutôt…? »
Ma cousine rigole de bon coeur. Ce Saint-Julien, elle le trouve délicieux. Et s’en ressert même un 3ème verre pour la peine.
« Santé! » me lance-t-elle comme pour me porter l’estocade…
Bien conscient que l’abus ne fait pas le moine et après 8 essais pour autant de frustrations, tout est bien qui finit bien : je finis par le trouver moi aussi ce fameux gout de fruits rouges. Bien aidé peut-être par les 13,5% d’alcool contenus dans la bouteille et sans doute un peu aussi par son prix disons « généreux ».
C’est vrai que quand on fait chauffer le porte feuille pour acheter un produit, quel qu’il soit, on a forcément envie de l’avoir cette fameuse sensation et cet agréable sentiment qu’on a incontestablement fait le bon choix. C’est vrai quoi merde. Quitte à s’en persuader quelquefois.
Le vin n’est qu’un exemple, le prétexte à parler de tout ça mais sache que ça marche dans tous les domaines.
Et toi, as-tu déjà aussi ressenti de gré ou de force le « gout de fruits rouges » après avoir fait l’acquisition d’un produit, d’un ebook, d’une « formation d’expert » ou de quoi que ce soit coutant ni plus ni moins que la peau des roubignoles?
Allez mon gros(eille), ramène ta fraise juste en dessous et sois franc(boise) avec moi stp : Je t’attends dans la section commentaire pour en parler 😉
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Ca m’est déjà arrivé de faire des achats au prix de mon épiderme testiculaire et d’en être déçu, mais dans ces cas là rien n’y fait. Je ressens comme une pointe de douleur juste en dessous du bas de mon dos, qui va en s’accentuant et m’empêche de ressentir le moindre goût de fruits rouges ou la moindre senteur de sous-bois (celle-là fait aussi son effet dans les dîners).
C’est peut-être pour ça que je suis pas trop fan de vinasse, va savoir…
C’est vrai, la fameuse et non moins célèbre « senteur de sous-bois ».
Ces termes me feront toujours rêver…
Et pour le vin, je trouve que ça ressemble un peu au patinage artistique : on doit attendre la note des juges pour savoir si le gars a bien patiné ou pas 😀 😀
Excellent billet ! Le type même de ceux que j’aime lire, à la fois drôle et profond, car mettant en exergue un véritable effet de psychologie commerciale. En plus, l’illustrer par une scène d’agapes, c’est pile poil raccord avec la notion de « tranche » de marketing. Donc, perso, j’en reprendrais bien une autre, de tranche…
Sinon, pour en revenir au sujet même du billet, ça me fait penser au fameux « grésillement du steak » que tout bon marketeur est censé savoir vendre à ses prospects (youp-la-boum !). L’idée de base n’est pas mauvaise en soi, car c’est vrai que pour convaincre un client, il faut apprendre à jouer sur certains ressorts psychologiques. Le souci, c’est que certains ont poussé le concept tellement loin qu’ils ne font plus que ça : ils nous vendent de l’impression, du sentiment, du « goût de fruits rouges » en somme, sans plus se soucier du produit. Lequel peut alors très bien se contenter d’être une vulgaire bolée de pisse d’âne sans que ça ne perturbe le processus d’achat de quelque manière que ce soit.
Ma grand-mère disait : « La publicité, ça sert à vendre des produits trop mauvais pour être achetés sur leurs seuls mérites ».
(en réalité, elle disait plutôt « La réclame, c’est juste pour vendre de la merde aux imbéciles ! » mais ça passe moins facilement…)
En clair, même si le métier de commercial est parfaitement honorable, et que sa tâche est également de faire connaître le produit au plus grand nombre, il faut reconnaître que l’effort de communication est très souvent teinté de « tromperie » bon enfant (ce qu’on appelle le « dolus bonus » en Droit) susceptible d’orienter nos choix une fois qu’on a pris connaissance des qualités purement factuelles du produit présenté.
Alors certes, on est censé savoir faire la différence entre l’information et la promotion, mais la réalité est plus nuancée car les professionnels du marketing expérimentent chaque jour de nouvelles façons de contourner notre esprit critique. Et surtout, quoi qu’on en dise, et même si on essaie de se convaincre du contraire, on devient tous de plus en plus sensibles aux sirènes du marketing, que ce soit pour suivre des effets de mode, pour adopter des habitudes de vie ou encore pour évoluer avec notre environnement social.
Ajoutons à cela le fait qu’une portion croissante de la population est devenue incapable de sens critique, les gens étant désormais noyés sous une hyper-médiatisation de la médiocrité humaine (celle qui fait vendre et qui sert de fonds de commerce à la télé-réalité), saturés ad nauseum de besoins et d’envies créés artificiellement par les industriels, et surtout intellectuellement engourdis par une masse phénoménale de principes de vie prêts à l’emploi qui ne leur demandent même plus de réfléchir. Une existence pré-mâchée qui nous sussure à l’oreille : « Dormez tranquilles, braves gens ».
Bref, une cible rêvée pour des commerciaux qui vont expliquer à Monsieur et Madame Michu que si une bouteille leur a coûté la moitié de la prime de rentrée scolaire du petit dernier, alors la vinasse qu’elle contient a nécessairement un gout de fruits rouges. Sinon, ça voudrait dire qu’ils se sont fait avoir, et ça, le commercial ne le veut pas car Monsieur et Madame Michu pourraient en venir à douter de son honnêteté.
Mais le pire c’est que Monsieur et Madame Michu ne le veulent pas non plus, car ça pourrait les amener à croire que leur vie est construite sur des apparences, des faux-semblants, des impressions. Ça signifierait que Jean-Mounir de Secret-Academy n’est pas vraiment amoureux de Marie-Nabilla dont les seins, la bouche, les yeux, les pouces et les genoux sont forcément naturels. Non ? Impossible ! Ça remettrait trop de choses en question, et si on devait y réfléchir, on finirait par rater l’heure de Poubelle la Vie.
Donc, oui, définitivement, ce petit Saint Julien, il a un bon goût de fruits rouges !
Ahhhh Bruno,
Franchement pour ce billet, je savais pas trop où je mettais ma plume : marketing off-line / sujet un tantinet plus sérieux de ce que je ponds habituellement / style un peu « nouveau » pour moi / … Bref, j’avais pas trop idée de ce que ça allait donner ni comment mes on ne peut plus nombreux lecteurs allaient réagir.
Ben écoute, ta réaction et ton excellentissime commentaire me comblent au plus haut point.
Et me boostent un peu aussi j’avoue 🙂
100% d’accord avec ton commentaire d’ailleurs, c’est exactement ça que je voulais dénoncer. Sans compter que l’anecdote est tirée de la réalité dans le présent billet.
Pour le coup le vin était excellent par contre, un des meilleurs que j’ai gouté à ce jour (maigre expérience tout de même hein), je suis très attaché au Saint-Julien depuis ce jour 😉
Mais des fois, pour moi qui suis loin d’être un professionnel de la dive bouteille, j’avoue que le « design » du contenant (étiquette/forme/fumé du verre) entre autre (sans parler du prix…) aurait gentiment tendance à influencer ma perception quant à la qualité du nectar qu’il contient.
Le vin reste un secteur spécial pour ça à mon avis.
Après, certains « domaines » restent des merveilles aussi, peu importe le look de la bouteille entre nous soit dit : Sauternes, Châteauneuf du Pape, saint Julien (!), Monbazillac…
Encore merci pour ton commentaire, et pour le bon sens de ta grand-mère qui m’a bien fait marrer.
Z’avaient pas tort nos anciens 🙂
Bon week-end l’@mi
Sylvain
Re
Tu dis :
« Franchement pour ce billet, je savais pas trop où je mettais ma plume : marketing off-line / sujet un tantinet plus sérieux de ce que je ponds habituellement / style un peu « nouveau » pour moi / »
Je réponds :
Ne change rien, c’est exactement ça. C’est vrai que de temps en temps un billet dont le seul objectif est de nous amener à la poilade en te moquant des travers de nos chers marketeux (très chers même parfois), ça fait du bien et ça ne mange pas de pain. Mais utiliser l’humour pour nous amener de plus en plus souvent sur des sujets sérieux, c’est ce qui va faire prendre de la hauteur à ton blog, sans rien perdre pour autant de son côté potache, iconoclaste et même « Jacquesque » (en référence à ton alter égo apprenti du web marketing).
Finalement, tu vois à peu près pour quoi j’ai voté lors de ton dernier sondage sur la question… 😉
Ouaip, j’imagine 😉
Mais surtout, maintenant que j’ai commencé, je vais tacher de continuer à élargir ma ligne éditoriale histoire que le blog prenne, comme tu dis, un peu de hauteur.
Bon pas trop par contre parce que j’ai tendance à avoir le vertige mais on s’est compris 😉
La bise cordiale
Salut,
Je tiens à apporter une précision très importante, quand on vient de Strasbourg et qu’on va dans la direction de Sisteron, Bordeaux c’est la deuxième à gauche au rond point, ça serait dommage que tes lecteurs se perdent 😉
Par contre je suis déçu que ta cousine n’ait pas pu déceler de la rondeur en bouche et qu’elle n’ait pas cru bon de dire que ce vin avait de la cuisse. J’espère que ça te réconfortera 😀
Bonjour et merci pour la précision par rapport à l’itinéraire.
Sniper, tu as visé juste (ah ah ah… Ben quoi)
Je rajouterais que la 2ème à gauche vous pourrez pas la louper, c’est la sortie avec l’arbre à droite sur le bord de la route. Je crois même qu’il a des feuilles vertes.
Là vraiment, plus d’excuses!
Sinon, effectivement : la rondeur en bouche, le vin qui a de la cuisse, la robe délicate, les aromes de noisettes grillées et les effluves de slip cartonné, tous ces qualificatifs ont été oubliés.
Désolé 😀 😀 😀
Merci d’être passé,
Sylvain
Ton exemple m’a bien fait sourire. Si on ne donnait pas autant de crédit au tapage marketing qui se fait autour d’un produit nos espérances seraient peut-être moins élevées et on serait moins déçu ^^
Tout à fait, mais les vendeurs vendraient moins. Donc, ils ont tranché. On connaît la suite.
Pendant que nous, on se persuade de trouver du goût de fruits rouges partout, eux encaissent : et c’est bien là l’essentiel 🙂
Badidon, t’as fait de la retape pour cet article ? Je ne me souviens pas avoir reçu le traditionnel mail où tu me traites de neuneu en me mettant 3 fois le lien en cas que je serais dure de la comprenette.
En tant que fille, je pense que j’ai déjà trouvé un goût de fruit rouge à des fringues moches que je trouvais pas mal vu qu’elles étaient d’une marque que j’aimais (par ailleurs). (C’est forcément bien, c’est du Kenzigual…)
En même temps, il me semble que le Saint Julien n’est pas le vin le plus marketé qui soit. Les maisons de qualité jouent plutôt sur la qualité (justement), il me semble, que sur l’image. Ou alors c’est que j’ai laissé mon sens critique devant la star ac…
En revanche, les Beaujolais nouveaux, et tous les vins primeurs à leur suite… c’est que du marketing, avec des morceaux de fausse banane dedans !! Beurk beurk beurk. Pas un vrai amateur de vin ne s’y laisserait prendre 2 fois !
A la tienne 😉
Emilie
Pas trop markété effectivement le Saint Julien, mais le prix suffisait à lui donner cette image et surtout ce goût de fruits rouges pour ma cousine faut croire.
Sinon, c’est juste une impression ou tu t’y connais un peu en vinasse coach? Non parce que l’autre fois tu m’avais fait un cours sur le forum marketing et là je vois que le Saint Julien ne semble plus avoir de secret pour toi…
Sinon pour le mail, non, tu n’as pas rêvé, j’avais pas annoncé ce billet. C’est ce que je fais de plus en plus ces derniers comme ça je mets volontairement mes chers lecteurs dans un état de stress et de doute extrêmes et les incite allègrement à repasser régulièrement histoire de vérifier que rien n’a été posté en leur absence.
C’est vrai aussi que le Beaujolais nouveau a un goût de bananes pour certains. Ce qui faut pas entendre des fois. Moi si je veux bouffer de la banane… ben j’achète une banane tout simplement…
Logique non finalement?
Cordialitude vinassienne
Sylvain
Je ne me souviens pas t’avoir fait un cours sur le Fm, et pis d’abord c’est pas mon genre :rolleyes:
Disons que j’aime savoir ce que je bois. (Qui a dit « Et elle boit beaucoup » ?? Christian, je te vois caché là-bas derrière avec Stéphane…)
Surprenante ta stratégie pour les mails. C’est LMF qui t’a conseillé ?
Sinon j’aime ta logique de gars de la terre.
A la tienne 😉
Si si un cours, je me souviens bien :D.
Faut dire que je l’avais cherché aussi puisque si mes souvenirs sont bons je clamais haut et fort que le Fronsac faisait parti de mes Côtes du Rhône préférés…
Là, l’experte pro-vinassienne que tu es avait sèchement mais légitimement remis le couillon (moi) a sa place en lui expliquant avec pédagogie (et fermeté) que le Fronsac faisait partie du terroir Bordelais.
Comme quoi, ya les pros et… les autres moi j’dis 😉 😀
Enfin, ce qui est sûr, c’est que t’as de la bouteille dans le domaine (ndlr : oui oui, c’était un jeu de mots)
Hips
faut dire aussi… si tu racontes des bêtises grosses comme moi… tu cherches…
Ben des fois c’est vrai que je suis bête comme mes pieds aussi… 😀
Ne dis pas ça : c’est une insulte pour tes pieds !
Je te revaudrai ça 😉 😀
Mais j’y compte bien !
C’est noté 😉
Généralement dans le vin on retrouve aussi très souvent son gout « légèrement boisé » qui fait frémir les papilles ^^
Il est vrai aujourd’hui que le contexte compte beaucoup plus que le produit en lui même. Je suis allé dans un magasin pour m’acheter un ordi portable le vendeur m’aurai fait repartir avec son concurrent juste parce que « la couleur blanc de l’autre ordi est la même, je vois que c’est cela qui vous plaît ». Non je voulais juste un ordi assez puissant et qui ne rame pas!!!
Ah effectivement, la fameuse et incontournable note « légèrement boisée ».
Sinon, je te rejoins, en vin comme ailleurs, on vend une histoire et plus vraiment un produit.
Le reste, la matière c’est devenu presque secondaire.
Je sais plus si j’en parlais au-dessus en commentaires mais l’étiquette de la bouteille compte beaucoup dans le goût que je vais trouver au vin.
Oui je sais c’est con…
🙂
Merci d’être passée
Cordialitude avinée
Sylvain